Ci-dessus :
 
La chanson préférée de la mère des enfants Méry qui me renvoie dans la pire des angoisses de ces moments terribles
20 octobre 2011
juin 1955
décembre 1958
 
Mais  il y avait la Mer , la vraie, l' authentique qui m' a toujours sauvé de tout, qui a été dans les moments les plus terribles de ma vie un soutien, un espoir, contrairement au rivage sombre du film. En qui j' ai depuis une confiance absolue. Lui, le type du film a choisi de mourir dans la cabane qu' il s' était construite, son ultime abri de secours. Moi je partis un soir me réfugier dans un blockhaus du mur de l' Atlantique.
Ils ne manquaient pas à l' époque, il y en avait partout !
 
J' en fis donc mon refuge, ignorant à cette date ce que voulait dire le mot thébaïde.
Mais pour m' y sentir moins seule, j' y avais emmené mon petit chat.
 
Ainsi j' échappais à des violences morales, physiques et parentales que je ne comprenais pas. Je n' ai jamais été une enfant du placard selon l' expression populaire en vigueur, mais l' enfant d' une annexe, d' un cellier, d' un blockaus où de jeunes Gitans me permirent de rester en vie en m' amenant parfois, quand ils le pouvaient, des restes de leurs maigres repas. En cachette de leurs propres parents, leur ayant fait jurer de ne rien dire à personne, par crainte d' être retrouvée et collée dans une maison de correction comme me le promettaient les gens de ma propre famille.
 
Ce qui me fait encore pleurer de nos jours c' est juste la perte de mon petit chat, cet humble compagnon d' infortune, que j' ai dû étouffer un soir en le serrant à mort contre moi parce que blessé il souffrait trop. Et pour que lui au moins n' est plus jamais faim et froid, ne soit plus jamais traité à coups de pieds par les adultes si ces derniers nous retrouvaient !
 
Lui, le " criminel " du film avait tué celle qui avait abusé de son innocence.
 
Cela se passait l' hiver 56 ou 57 j' avais dix ans.
 
J 'ignore toujours qui a dénoncé ma fuite auprès des Autorités qui eurent beaucoup de mal à enlever mes bottes en caoutchouc dans laquelle ma chair s' était incrustée et dont je porte encore quelques stigmates.
 
Ainsi plusieurs fois abusée, au propre, au sale, comme au figuré, et de surcroît humiliée et trahie deux décennies plus tard, j' ai survécu ou plus justement j' ai dû survivre. Traumatisée par tous les accidents que j' ai vu sur cette N.20,  jamais je n' ai été capable d' avoir mon permis de voiture ( seul le code du premier coup, jamais la conduite passée trois fois sur ordre de mon époux de l' époque ! )
 
Mais ça ne me manque pas, je pense même que si je l' avais eu je serai déja morte .
 
Je zappe aujourd' hui sur la pire des injustices qui m' ait été infligée :  c' est-à-dire ce qu' une mère peut subir de la part de son unique enfant comme de sa famille. Même les pires criminels ont droit à des défenseurs !  Mon seul crime relevait du fait qu' ayant été licenciée de mon emploi, je me retrouvais dans la pire des galères ; et  n' étant l' enfant de personne je n' eue droit à rien comme soutien affectif côté familial. De fait ma parole dut rester captive ....Si commode pour eux de se fier aux seules apparences ... Suite à un divorce qui me fut imposé, une famille recomposée et aimable d' un côté, celle du père de l' enfant. Et moi la mère isolée, survivant de l' autre côté dans le chaos. C' est ce jour là que j' ai compris qu' ainsi mise à l' index par les miens, j' étais non seulement responsable mais coupable de tout ce que derrière mon dos, je me retrouvais accusée.
 
Fautive en tout point !
 
La faute, en effet,  d' être née puis d' avoir enfanté, coincée pour le reste de ma vie
entre une mère et une fille qui n' ont eu de mère et de fille que le nom !
 
L' une morte et depuis  portée en terre et l' autre  ayant choisi de m' enterrée vivante.
Par orgueil, manque de courage, par faiblesse de caractère, par lâcheté !
 

Je referme cette parenthèse ayant compris qu' il ne sert à rien de se débattre en essayant de  contrecarrer certains plans de sa destinée
quand on n' en a qu' en partie la maîtrise. J' insiste là-dessus !
 
Mais la liberté des autres comme de la mienne n' ayant pas de prix, je sais respecter le choix de ces autres. Certains membres de cette foutue famille ont fini par comprendre que les apparences sont trompeuses ou tronquées. Et pire mensongères. Mais ils ont mis trop d' années à le réaliser ou à se remettre en question tant la vérité les effraie.
 
A présent il est trop tard, la vie m' a durement appris à ne compter que sur moi-même mais
vu le résultat elle a bien fait et je lui en suis très reconnaissante, MERCI LA VIE  !
 
Zapper pour le moment  sur ces atrocités qui se sont déroulées au Viet-Nam, Cambodge et Liban. Le massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila m' a beaucoup marqué mais ces évènements n' ayant rien à voir avec le film cela fera l' objet d' une autre page à propos d' un autre film.
 
Pour en revenir et en  terminer avec la mise en parallèle de cette oeuvre cinématographique, j' ai envie de dire à ceux qui trouvent ce film excessivement noir qu' il peut, hélas,  être vécu hors fiction, j' en suis la preuve ! Et engendrer une ou des suites, des plus positives. Il suffit au héros de le vouloir. La fatalité n' est inscrite dans le marbre d' aucun destin dès qu il nous est permis de le prendre en main ce destin, en toute indépendance de coeur et  d' esprit. Cela ne tient qu' à notre propre vision que j' appelle profondeur de champ. Suffit pour cela de changer d' objectif en s' appliquant le recul nécessaire et en jouant de la version grand angle, histoire de magnifier le quotidien  en l' enrichissant de ses seules possibilités et même, par extension, de celles qui se baladent à côté. Et, pourquoi pas : ne jamais s' abstenir de s' aventurer vers les horizons lointains quels que soient les risques encourus. Marcher en toute simplicité devant soi, sans crainte et avec constance.
 
Car si la misère n' est d' avoir qu' une vie à nous d' y mettre plusieurs existences quel qu' en soit le prix à payer !
 
Bien sûr on ne peut avoir peur quand ainsi on a survécu, blindée au fil des ans  de la confiance que l' on finit par se porter.
On se dit " à part ma propre mort rien ne peut plus m' arriver de grave "
hormis une abominable souffrance physique qui risque de m' y conduire peut-être....
 
Enfin on verra !
 
nb :  A cet ultime propos je garde à vue mes piqûres d' insuline et un billet simple, sans retour,  pour mon dernier voyage chez les pingouins de la banquise, au bord d' une plage de préférence, dans un coin perdu du Paradis blanc...
 
Je suis retournée, il y a trois ans de cela, à " la petite Folie ", ce restaurant routier sur la N. 20 où l' on m' avait placée en 1965  comme serveuse, ou plutôt bonne à tout faire étant corvéable à merci 18 heures par jour et six jours et demi sur sept !
 
Dans les conditions analogues, à peu de choses près, aux deux domestiques du film : maltraitée, exploitée.
 
Je me revois 50 ans plus tard, l' été 2011,  monter la côte d' Arpajon avec beaucoup de difficultés, le souffle court. Enfin parvenue tout en haut de cette côte j' aperçois un pont hideux qui enjambe la route qui comporte 4 voies à présent. Cela me renvoie à la mort épouvantable de Laurette Marmion, ma petite voisine de 14 ans, prise en sandwich ( excusez l' expression ) alors qu' elle traversait cette nationale, à la sortie de l' école, pour rentrer chez elle dans cette maison juste à côté du restaurant. Renversée par plusieurs voitures et qui, de concert funeste,   s' étaient mises à rejeter  la malheureuse Laurette d' un pare-choc à l' autre.  Le bruit sourd que j' entends encore de ce corps projeté en l' air, retombant sur la chaussée. Jeannette, la tolière, qui me hurlait
 
" c' est Laurette allez chercher une couverture ".
 
Je revois les soubresauts de ce corps malmené qui essaie de s' échapper du pire . En vain !
 
Elle ne survivra que quelques heures, avant de mourir  à l' hôpital d' Arpajon, perclue de plus de 50 fractures.
 
Sa mère, qui vit de sa fenêtre sa fille traverser la route  ( à deux voies à l' époque )  faillit en mourir de chagrin. C' est " grâce " à cet accident qu' il fut décidé de construire ce pont et d' élargir la voie. Une année auparavant, sur cette portion de route, au lieu dit " la Petite folie " il y eut 19 morts au fil des mois, durant l' année 66. J' en ai vu quelques-uns mourir sous mes yeux dont une jeune femme sur la table de cuisine du restaurant. On  m' avait prié de " la surveiller " en attente de l' ambulance. Elle avait du sang très fonçé qui coulait de son visage, de sa bouche aussi je crois, je crois. Elle me priait d' aller chercher son bébé resté dans la voiture. Que les pompiers retrouvèrent vivant, éjecté sur le bas côté, en bordure du fossé, son biberon encore chaud près de lui. Je savais qu' elle allait mourir vu la couleur sombre du sang et son épaisseur, ce qu' elle fit une dizaine de minutes plus tard en me lâchant la main, sous mon regard frappé d' épouvante. Il gelait à pierre fendre cette soirée là et des automobilistes avaient cru bon la transporter  " au chaud " en l' extirpant de l' auto, son mari, au volant, ayant été tué sur le coup.
 
Jusqu' à la fin de mon séjour dans ce restaurant, où j' ai dû survivre à ma façon sous les humiliations, les insultes, le travail harassant, j' ai été obligée de dormir sous cette couverture qui avait recouvert le corps ensanglanté de Laurette agonisante, ma patronne refusant de m' en acheter une autre. Me réveillant parfois en sursaut  la nuit en entendant hurler le klaxon bloqué de cette Pontiac américaine qui venait de s' encastrer dans l' abri du carrefour destiné aux agents de la circulation.
 
Les deux officiers américains de la Shape revenaient probablement d 'une virée à Paris où ils avaient beaucoup bu pour arroser leur départ imminent de France. Ils rentraient dans leur base à Orléans en pleine nuit , et ils s' étaient pris l' Abri de plein fouet.
 
Toute à mon émotion, excusez-moi, j' allais oublier de dire qu' une fois arrivée sur ce pont, à 200 mètres à peine de celui-ci, le restaurant de toutes mes misères et de mes pires cauchemars  avait disparu. Détruit lors de l' élargissement de la route.
 
Comme seul repère dans ce nouvel environnement dans lequel je me retrouvais à présent perdue, 
cet abri bus, ultime témoin du drame vécu en 1966 : là où était descendu pour les dernières heures de ce qui lui restait à vivre,
 
Laurette Marmion.
 
Par ailleurs, la plupart des Blockhaus, de la mer du Nord à la côte Atlantique, ont été presque tous dynamités y compris le mien !
 
Ne reste d' eux que l' histoire modeste et douloureuse de ces quelques simples humains qui un temps ont dû l' habiter ou s' y réfugier pour tenter de se protéger du pire à certains moments de leur vie.
 
Plus tard, pour en revenir à la mi-temps de l' histoire, et alors que je tenais enfin, à l' âge de 21 ans, l' avenir entre mes mains ,
 
je commis peu après les seules et deux plus grandes erreurs de ma vie.
 
Ce qui permis au voyageur de commerce, cité plus haut et traînant à ses côtés un innocent bagage, de m' emmener en voyage de noces sur l' une des 5 plages du Débarquement  ignorant tous deux à l' époque que mon Père inconnu avait, un matin du 6 juin 44,  débarqué à Juno Beach, à deux plages de celle d' Omaha la Sanglante !
 
Mon destin a toujours été lié, de près comme de loin, à l' Histoire et à la mer, LA VRAIE,  ainsi qu' au cinéma,
Impossible de leur échapper.
 
Mais ce jour du 1er mars 1969 je suis tombée à pieds joints,  pour  le pire et sans le meilleur, au beau milieu des champs de blé !
 

Ce monsieur, lui aussi, avait un enfant qu' il chérissait comme cet homme du film ( génial Carette dans le rôle ). Mis à part que lui, sa gamine de 5 ans, orpheline de mère - ce fameux bagage innocent plus haut cité  - qu' il traînait partout avec lui, avec nous, entre nous, y compris lors de ce singulier " voyage de noces ". Enceinte dès le soir de mon mariage, je me revois pleurant à chaude larmes en arpentant de long et en large cette fameuse plage pour échapper au couple que le Père et la fille, 18 h sur 24,  formaient et qui me rendait prisonnière étouffée par cet étau ! La petite soeur de Maï naquit jour pour jour 9 mois après notre mariage. Je l' appelais illico Elizabeth pour qu' elle m' appartienne un peu. Je venais de perdre 18 kilos, tout le long d' une grossesse apocalyptique, l' anorexie ne faisait pas encore la une des journaux. En vérité étant contre l' avortement, inconsciemment je voulais mourir avec l' enfant que je portais voyant que notre union partait dès le départ à vau l' eau. 
 
J' aurais dû ! Vu ce qui allait m' arriver quinze ans plus tard !!!
 
.... et cette vieille cabane isolée abritant une identité incertaine dans la détresse iodée d' un rivage morne et sans espoir.
 
Film désolant qui me tient et me chavire le coeur ne cessant de remuer en moi  le couteau dans la plaie. Là où sont inclus quelques éléments de ma vie :  réminiscences ponctuelles ancrées, ravivant à chaque diffusion des douleurs refoulées mais toujours vivaces à leur évocation.
 
Auquelles je peine à échapper,
 
Pourquoi ?
 
Parce qu' à une poignée d' années plus tard, dans ce restaurant, un voyageur de commerce est entré sous le regard féroce et inquisiteur de Jeannette, mégère cauteleuse et mauvaise comme une teigne, tenant patente au lieu dit " la Petite folie ",  épouse au demeurant de Toto le taulier, brave homme mais journellement aviné.
 
Ma vie a intimement collé durant une longue période à ce scénario écrit en 1947, l' année de ma naissance. Ces sombres années d' après guerre, où les temps étaient durs et la tendresse inexistante envers certains enfants tombés du ventre de leur mère presque par hasard. Et déposés soit à l' assistance publique, soit chez la mère de la mère en question,
 
enfants nés sous X ou de Père inconnu, ce qui fut mon cas !
Une si jolie petite plage ...