4 Février 2017
Mais qu' entend -t-on par objet de grande valeur ? Le prix qu' une élite éclairée  de connaisseurs   lui donne ! Elle seule se targuant de pouvoir cerner ce qui se cache derrière l' oeuvre, estimer le talent , interpréter les émotions de l' artiste, quitte à le trahir souvent !
 
C' est ainsi que le créateur de l' oeuvre en question est répertorié, catalogué, analysé sur sa création avant d' entrer dans un musée pour le " souvenir " que le grand public  devra en conserver quand il passera devant les oeuvres à la va-vite. En amateur du dimanche distrait, voir blasé ( cette scène du touriste lambda devant la Joconde avec son portable ) tout juste capable d' absorber  une infime partie de la richesse culturelle qui lui est proposée dans les musées et autres galeries d' art .
 
Que penser par ailleurs de ces grandes rétrospectives impersonnelles qui sont organisées par les musées nationaux  selon des phénomènes de mode indéfinissables. Exposée ou cachée, une oeuvre, ou plus justement un chef d' Oeuvre, ne peut échapper à son destin pour sa beauté , sa qualité ou son originalité  bien sûr mais avant tout pour  la valeur marchande qui lui a été attribué,  à laquelle tout acheteur ou  collectionneur avisé peut prétendre dès qu' il se projette sur l' oeuvre.
 
Sans oublier ce qu' elle  lui rapportera lors d' une revente .
 
L' humanité de l' Artiste est tout à fait secondaire pour ces gens, il devient juste pour la postérité une entité bancable, un vulgaire placement !
 
La plupart des                           sont morts dans la misère ! Perso c' est ce qui me touche ;  ce n' est  pas le prix affiché chez Sotheby ni les discours pontifiants des galiéristes du style Germano-Pratins qui s' écoutent parler entre eux  lors des expositions. Pour qui ne les a jamais entendu, qu' ils courent dresser l' oreille dans ces lieux, la vanité de leur propos est confondante de ridicule et en dit long sur leurs goùts et l' interprétention qu' ils en font.
 
Mais j' en reviens à ma préoccupation première, à savoir : La valeur artistique d' un objet est-elle donc plus importante que son utilité, ou le souvenir affectif qu' on lui porte, toute la question est là.
 
Personnellement  mon rapport à l' Art ( comme aux objets plus quotidiens ) virevolte à des années-lumières de ces endroits hantés par des amateurs techniquement plus éclairés que moi, mon approche étant purement émotionnelle.  
 
La seule question qui me préoccupe donc à cette heure est de connaître ce que l' on peut transmettre au-delà de la mort en dehors des choses terrestres.
 
Sur le plan affectif, sentimental, et intellectuel.
 
Et bien à cette heure je me pose la question  de savoir si   je ne vais pas quitter ce monde sans rien laisser ! Emmener mes trois clés USB dans la tombe en plus de quelques cailloux rapportés de voyages par mes plus chers Amis et les deux lettres qu' un jour un homme a écrit à la femme qu' il semblait aimer. Cet homme et cette femme qui n' ont jamais su écrire correctement  le prénom de l' enfant qu' ils avaient fabriqué ensemble.
 
Prénom que j' ai transmis à mon bébé.
 
Qui depuis s' en ai dépossédé.
 
Comme quoi ....Autant en emporte le vent dirait Scarlett O' Hara
 
Mon rêve en vérité : disparaître, devenir sable dans le désert, me dissoudre dans le vent, ou engloutie à jamais dans le fond d' un l' océan suite au crash d' un avion . Mourir mais pas tout à fait seule. Très entourée dans ce cas. Ou enfin,  quand volontairement je choisirai de quitter le monde de mes semblables, seule avec mon fidéle baladeur, au beau milieu des manchots du Paradis blanc.
 
En toute harmonie,
 
Sans laisser aucune trace derrière moi
 

de ce que fut ma modeste existence !
Personnellement  je n' ai reçu aucun héritage familial mis à part celui de  ma Grand' Mère soit une lampe à pétrole et sa machine à coudre achetée dans les années 30 ( la prunelle de ses yeux disait-elle ) qui était entrain de pourrir sous la pluie, abandonnée dans le hall d' un pavillon ouvert à tous vents. Comme personne de la famille  n' en voulait et bien que je n' eu guère de place dans mon petit appartement j' ai demandé à sa fille, ma Tante, qu' elle me la donne. Cette machine à coudre SINGER avait une histoire peu commune que sans doute ma Tante Arlette n' ignorait pas mais elle n' en avait que faire.
 
J' ai ainsi remarqué plus d' une fois que les enfants des défunts liquident un peu trop souvent et au plus vite les objets de leurs parents au grand dam des petits enfants qui peinent à s' y opposer. Ces héritiers directs ayant constitué leur propre noyau de vie , choisissent d' occulter ainsi une enfance qui ne leur a pas été forcément heureuse et font peu de cas de l' âme de la personne qui vient de décéder. Bref de ce qui en reste ou en restera à travers les objets  sans oublier les sentiments, souvent ignorés. Leurs propres besoins pour orchestrer leur existence les poussent à bazarder, liquider, brader tout ce qui a façonné l' individualité et la sensibilité de leur géniteur. Et de plus nous voici parvenus à l' ère de la mondialisation alors même la maison de famille, pour ceux qui ont la chance d' en hériter une , cette entité pourtant fédératrice, ne peut devenir qu' un poids, un encombrant fardeau. Alors la vendre au plus vite , et qu' importe ce qu' elle a pu représenter elle et son contenant ! L' argent n' a ni odeur, ni histoire et ne pousse pas toujours l' individu  aux nobles sentiments.
 

                                                               " Tout ça c' est des vieux trucs "
 
C' est ainsi que parlait ma tante Arlette des objets qu' elle venait de récupérer à défaut d' hériter d' une maison ! Souvenirs qui d' après elle sentait trop un passé qu' elle voulait oublier ". Je subodore par contre qu' elle  dû râcler les fonds de tiroirs de la disparue une fois enterrée,  plus intéressée par les questions du peu de monnaie sonnante et trébuchante que la maigre retraite de Mémère Duton laissait, argent en billets cachés sous la toile cirée de la table des repas, sous une pile de draps, ou pour les tîtres au porteur du fameux emprunt russe : dans une précieuse boîte de fer représentant, en médaillons, les trois enfants de la regrettée Reine Astrid de Belgique . La raison pour laquelle Arlette vendit aussi  des tas de petits objets avec ou sans grande valeur en jetant à la poubelle ceux qu' elle considérait sans  intérêt ! Et cela sans aucun états d' âme !!! Sans doute par haine larvée de sa propre mère dont on ne connut jamais les vraies raisons. Elle lui devait pourtant une certaine reconnaissance pour toute l' aide financière que cette mère, dans sa grande pauvreté,  lui avait apporté au fil des ans pour qu' elle parvienne à nourrir, en fin de mois, ses cinq enfants. Je revois encore son mari, mon pauvre et bien aimé oncle Pierre qu' elle traitait comme son larbin, venir avec son vélo dès la sortie de l' usine Godin, taper ma Grand' Mère pour qu' elle lui prête de l' argent qui lui était rarement remboursé. Jamais je ne pardonnerai à cette si " bienveillante " tante ce qui ne fut que surface et hypocrisie douceâtre de sa part tout au long de sa vie et qui a détourné et détruit  de manière insidieuse et plus que sournoise l' histoire de notre  famille qu' elle racontait en affabulant à son unique profit  ( sans doute par jalousie vis à vis de ses frères ) ! J' ai mis plus d' un demi siècle à me rendre compte de sa fausseté et de ses mensonges qu' elle a transmis à sa fille ainée ma Cousine Annie, hélàs, trois fois hélàs !!! Car je les ai adoré toutes les deux durant un demi siècle en leur faisant totale confiance avec une grande naïveté n' ayant qu' elles pour toute famille  une fois les Prêtres qui m' avaient élevée et ma grand' Mère furent décédés !
 
Dans le film l' histoire est tout autre puisqu' il n' est question que d' objets de grande valeur vendus par une tribu de jeunes Bobos issus d' une famille très argentée. Dont trois tableaux, chéris par l' aïeule d' un Peintre renommé qu' elle avait aimé ! Destinés à finir accrocher aux cimaises d' un   musée.
Ainsi me remémorer quelques souvenirs à propos des objets qu' ils soient de valeur marchande ou sentimentale comme l' étaient ceux de ma Grand' Mère ou de ma vieille voisine , nées toutes d' eux le même mois et la même année, en 1900 et mortes "ensemble " en 1987 à quelques jours d' intervalle sans jamais s' être rencontrées. Je  revois Madame Germaine Pillon  me servant le thé dans de fines tasses de porcelaine dont elle était si fière ( cadeau de sa patronne  de qui elle avait été la domestique près d' un demi siècle ). Elle les sortait délicatement de l' emballage de papier de soie et cela deux ou trois fois par an, c' était un trésor inestimable à ses yeux qui en disait long sur le respect et l' affection qu' elle portait à son ancienne maîtresse. Ce si précieux service qu' elle  posait sur  un délicat napperon bordé de dentelle  brodé de ses mains, qu'elle me fit l' honneur de m' offrir en cadeau sentant sa fin proche.
 
Geste touchant, qui m' émeut encore !
 
Peu de temps après son décès son fils est venu chez elle faire le grand ménage et j' ai retrouvé les tasses dans la poubelle de l' immeuble.
Constat très sombre et presque sartrien que ce film et ce que j' en pense.
 
Qu' il soit connu ou non l' individu en tant que tel disparaît dès la minute de sa mort. Au mieux on ne conservera de lui que la symbolique d' une vie . Tout ce qui a constitué son parcours disparaît tôt ou tard et à jamais de la mémoire collective dans presque tous les cas.
 
Et ce sera mon cas !
 
Mais après tout qu' importe les histoires de traces laissées que je m' évertue présentement à entretenir ! Qu' importe la valeur du temps et des objets  ou plutôt la valeur que chacun leur donne dans cette société contemporaine si préocupée du neuf et du futur - chacun ayant le droit de se poser la question de ce qu' il veut garder ou non de l' héritage familial, moral ou matériel reçus,  pour construire son avenir,
 
Il peut faire sans !
Un film sur l' oubli ou plutôt sur la disparition d' un Etre et la dispertion des choses qui l' ont accompagnée toute sa vie.
Une histoire qui survole la mort, le temps qui ronge la mémoire, le réalisme cru de l' éparpillement familial lors d' un héritage.
 
Je suis allée dans ce film à reculons et je viens d' en sortir en me posant quelques questions sur ce qui restera de moi après ma mort. Rien ou à peu près. Juste une tombe !
 
Une tombe peut-être...
 
et 2 ou 3 clés USB