A propos de Jacques Higelin
Cela me renvoie à un vilain-très-méchant-mauvais-souvenir comme disent les gamins. Je venais de toucher le fond du malheur, un 23 juillet de l' année 1985. Un de ces jours gravés dans le marbre.
" la perte d' un être aimé c' est la foudre " a écrit un jour André Malraux lors de la mort brutale de sa compagne Josette Clotis. Je confirme !
Pour moi il s' agissait d' un enfant.
Richard P......., un ami scientifique notoirement connu dans son domaine, m' avait invitée chez lui à Grenoble : n' ayant plus rien à perdre peu m' importait de devoir me rendre à " l' invitation " d' un tribunal sur demande de mon ex-époux afin de connaître mes nouveaux Droits de mère qui venait d' être salie, humiliée, honnie, dégradée, j' étais libre, LIBRE de leur tourner le dos à mon Ex et à la " JUSTICE " à défaut de ne pouvoir hurler ma douleur. Je quittais donc Paris embarquant un matin Gare de Lyon avec chien et chat et mon baluchon de désespoir. Je n' étais plus rien socialement, sans argent, sans rien, détruite ! Même le ticket de train m' avait été payé et envoyé par Richard que je ne connaissais que par lettres échangées suite à une petite-annonce au ton assez original, que j' avais passé dix-huit mois plus tôt dans le journal Libération et qui avait fait un carton ( Libé à l' époque était générateur d' autres P.A des plus folkloriques soit dit en passant ). Nous, nous avions en plus un point commun de taille : aussi sérieux qu' inébranlable :
nous adorions ECRIRE !
et refaire le monde des nuits entières qui pouvaient même durer jusqu' au petit matin quand il invitait ses copains.
Richard, qui me ramenait chaque soir du labo - où il officiait pour ses recherches - des homards sur lequel il pratiquait des expériences dans la journée ( concernant les PB de vision humaine, je crois à moins que ce ne soit le contraire, que ce soit mon esprit le plus embrouillé ( sourire amère ).
Le dos bloqué autant par le chagrin que par la souffrance ( les deux font la paire en ce cas - les anciens ne disaient-ils pas jadis " en avoir plein le dos " ) je dus rester là bas deux longs mois, dans cette maison du bout de la rue qui donnait sur une montagne d' une part et, côté cour, sur un jardin de curé assez sympa et de surcroît bio que Richard cultivait . Bref, bien que le temps me parut éternel, il fallait que je je sois capable de me remettre debout sur mes jambes pour rentrer à Paris.
C' était d' un triste, d'un grisouné Grenoble à l' époque, pour le peu que j' en aperçus. Une ville noire et cafardeuse, sans acun charme.
Quant à Richard c'était un sorte de professeur Tournesol absorbé davantage par ses travaux que par la tenue de son logis où il régnait un désordre indescriptible ....
C' est lors de mon retour sur Paris que dans le train je fis la connaissance de Nathan qui m' aida à porter ma valise tandis que je trainais avec peine mes animaux. Il était en aussi mauvais état que moi, au moral comme au physique ce cher Nathan, qui devait le lendemain s' embarquer vers l' Australie pour " un voyage sans retour " disait-il. Mais cela est une autre histoire qui sera raconté en son temps.
En rentrant rue de Lévis mon appartement avait été visité.
Mis à sac comme ma vie.
Richard vola à mon secours une deuxième fois. Grimpant dare-dare à Paris pour m' acheter le nécessaire et me réinstaller. Paya l' EDF pour que l' on me rétablisse l' électricité...Et glissa 5000 frs dans un tiroir avant que l' on se quitte, alors que je ne lui demandais rien. .
Ah j' oublie le " principal ", ce qui justifie le déroulé de cette histoire : j' allais ou je venais d' avoir 37 ans, il m' offrit en cadeau une place au concert de Jacques Higelin à Bercy, Chanteur aussi engagé que lui à Gauche, qu' il admirait. Moi pas vraiment, je préférais Jean Ferrat, plus dans l' humain que dans l' idéologie pure et dure d' un gauchiste estampillé crû 1968, à 100 % baba-écolo et cool de chez cool.
Richard repartit chez lui un soir vers son propre destin peuplé de Homards bleus ( après que l' on se soit frittés assez durement au sujet de nos idées politiques ). Je le revois m' envoyant une bise et un " sans rancune " muni de son sac à dos à l' épaule, qu' il avait dû hériter d' un rude montagnard alpin qui avait dû faire " la 14 la 18 "et dans lequel il m' avait apporté des noix de Grenoble, ce qui m' avait collé une honte terrible dans la cour de mon immeuble, les sacs à dos n' étant pas de mode à l' époque surtout celui de ce style là. Et guère non plus sa coiffure hirsute qui n' avait rien à envier au décoiffé de celle d' Higelin bien au contraire. Seules ses lunettes à fine monture pouvaient laisser supposer qu' il s' agissait à la rigueur d' une sorte savant " fou " égaré à Paname pour qui y regardait bien ! Ce qu' il était de la pointe de ses tifs à ses brodequins ! Et quel SAVANT ! là dessus vu son C.V aucun doute, son travail paru un peu plus tard dans une revue scientifique américaine !
Nathan, dont le pedigree n' avait rien à envier côté intellect à l' " homme des bois " précédent, m' envoya une carte d' Australie pour les fêtes de fin d' année, me demandant de le rejoindre si je n' avais rien de mieux à faire et à perdre !
Puis ce fut silence-radio de Sydney à Grenoble en passant par Paris 10 années durant ...